UN GRAND ECLAT DE RIRE - Aissatou Thiam (2008)
Parce que le mois d'Août est généralement synonyme de doigts de pied en éventail et de plaisir de lire, j'ai décidé d'aller jeter un coup d’œil aux biographies d'acteurs à la Bibliothèque François Truffaut, nichée au cœur du Forum des Halles. Et c'est donc sur l'autobiographie de la comédienne française Aissatou Thiam que j'ai jeté tout mon dévolu. Je vous raconte ici un tip-tipeu l'histoire de cette femme qui fait partie des actrices issues de l'Afrique et des Caraïbes qui participent activement au rayonnement de la diversité cinématographique française.
Sylviane Aissatou Thiam est assez peu connue du grand public, c'est moi-même une interprète que je voyais de temps à autre à la télé sans connaître son parcours et c'est justement pour cela que je lui consacre ce petit article aujourd'hui ! Parce que sa façon drôle et pleine de poésie de retracer son histoire personnelle m'a touchée et que j'ai eu une impression agréable de croiser une sorte de soeur à pas mal de moments.
Aissatou Thiam est née à Dakar au Sénégal en 1966 et débarque très jeune à Marseille avec sa famille. De mère juive espagnole et antillaise et de père ivoirien, celle qu'on appellera par la suite par son 2ème prénom, Aissatou, est issue d'un foyer modeste aux racines multiples gorgé de couleurs, ce qui lui apportera une vraie richesse culturelle et personnelle mais lui vaudra aussi des déceptions et beaucoup de questionnements sur son identité et ses origines.
Une des premières phrases qu'elle entend de sa grand-mère maternelle va sans aucun doute marquer la petite fille qu'elle était sans toutefois faire de son existence, ni de son livre, une complainte.
'' Parce que vous êtes noires, vous devrez faire plus d'efforts. Ce sera plus difficile pour vous...''
Même si Aissatou, future mannequin et actrice, comprend très vite tout le sens de cette phrase accablante, elle ne se laisse ni déborder ni abattre par ses mots et réussit à me faire sourire et parfois même rire en revenant sur des souvenirs pourtant douloureux...Et puis, finalement, on relativise quand on voit la chance qu'elle va avoir par la suite.
C'est vrai ça, qui pourrait se vanter -à part d'autres mannequins bien sûr- d'avoir visiter une multitude de pays avec sur les hanches les créations des plus grands couturiers de la ''French Touch'' comme Thierry Mugler, Paco Rabanne, Givenchy ou bien Yves St Laurent? Alors que plus jeune ''la grande tige du boulevard Bernabo'' se sentait invisible, gauche et peu féminine, on lui a vite fait comprendre qu'une tête de princesse nubienne sur un corps de cigogne, ça donne assez vite un top model.
Plus tard, pour son baptême du cinéma, la belle aura l'honneur d'avoir pour premier partenaire de jeu le jeune et charismatique Vincent Lindon dans'' L'Irrésolu '', long-métrage sorti en 1993 et réalisé par Jean-Pierre Ronssin. Entre nous, y'a sûrement pire comme débuts sur le grand écran.
Mais Aissatou explique, au fil de son récit, qu'on ne peut pas juste la résumer et l'enfermer dans ces deux fonctions. Car elle se définit ainsi: ''je suis sirène et arbre''. Une manière de dire qu'elle est enfant de la nature et qu'elle se sent surtout vivante près de l'océan, la joue posée sur l'écorce d'un de ces pilliers qui forgent les paysages. Aissatou est une femme vive, énergique, qui a soif de connaissances, de rencontres, de voyages, de découvertes. Elle qui a des amis dans les quatre coins du monde. Et qui ne comprend toujours pas comment elle a pu avoir autant d'opportunités pour réussir...
Même si, très tôt, elle se retrouve orpheline de mère, elle continue à être choyée par ses sœurs et ses grands-parents qui ne l'abandonneront jamais. Les épisodes difficiles de sa vie: l'absence de son père resté au pays, un court mais trop long passage à la Ddass, la maladie de son grand-père, son ''héros'' et la mort de son premier amour n'effaceront pas des moments plus gais. Comme sa rencontre éclair en 1980 avec Bob Marley lors d'une de ses tournées françaises, le mariage de sa sœur ainée ou encore sa vie new-yorkaise où elle apprend énormément du choc des cultures...
Et plus récemment, sa participation au téléfilm Tropiques amers (2007) qui lui permettra d'interpréter le rôle de Rosalie, une jeune chabine -terme antillais pour une femme noire à la peau très claire- petite cocotte d'un propriétaire de plantation. Un retour dans l'histoire qui va lui permettre de comprendre ce que son arrière arrière grand-mère maternelle originaire de la Martinique a vécu en tant qu'esclave avant d'être affranchie.
Voilà ce que j'ai retenu d'une autobiographie qui m'a été agréable à lire car pleine de poésie, de nostalgie, de fraicheur et de légèreté. Et parce que le parcours d'une femme noire dans des milieux aussi désadaptés que le mannequinat et le cinéma français, il fallait que je lise ça. Pour continuer à croire que ce qui paraît impossible ne l'est pas pour autant.